Akomnyada : aux sources de la pénurie d’eau à Yaoundé

Publié le par Association camerounaise de cyberpresse

Alors même qu’une sévère saison sévit au Cameroun, la rivière sur laquelle  l’eau distribuée à Yaoundé est captée, est menacée d’assèchement. Des solutions inespérées sont expérimentées pour endiguer une catastrophe annoncée. Reportage à Akomnyada, sur les berges du Nyong.

 

Pourquoi n’y a-t’il pas d’eau à Yaoundé ? Combien de temps les populations de Yaoundé devront-elles encore endurer le calvaire du rationnement et de la rareté  de l’eau ? Questions à un sou, qu’aucune des autorités au demeurant nombreuses, en charge de la mise à disposition de l’eau courante, tant à la Camerounaise des Eaux, Cde, à la Cameroon Water utilities, Camwater, qu’au ministère de l’Eau et de l’Energie, ne saurait apporter de réponse suffisamment convaincante, sans qu’elle puisse être prise à défaut. Et pourtant, des réponses s’imposent.

Images surréalistes au quartier Essos à Yaoundé, lieu dit Madison, en ce début de weekend. De véritables grappes humaines sont agglutinées autour d’un épanchement d’eau de fortune, sorte de puits à ciel ouvert, qui surgit des entrailles de la terre. Une échauffourée n’est jamais à écarter. De là où s’échappe ce filet d’eau providentiel, trône une cabane qui ressemble fort à une fosse d’aisance, bien coincée entre des maisons d’habitation. Un peu plus loin, à un jet de pierre, un gigantesque bac à ordures, plein ras bord d’immondices de toutes natures, bouillon de culture idéal pour des rats et des mouches, plante le décor d’un carrefour qui, d’habitude, est en rupture avec le bien-être. Malgré l’insalubrité apparente des lieux, les populations environnantes n’en ont cure, plus préoccupées qu’elles sont, pour recueillir ce qui est devenu depuis quelques mois maintenant, une denrée plutôt rare à Yaoundé. Armés de bidons, de seaux et d’autres ustensiles insolites, femmes, enfants et autres adultes investissent les lieux aux premières heures de ce samedi, au quatrième jour de coupure d’eau. Il faut essayer de recueillir le précieux liquide, malgré les risques de contamination que celle-ci présente, du fait de la proximité des sources de pollution. Les nombreux usages domestiques de cette période de l’année imposent de disposer de l’eau, au moins en quantité suffisante, à défaut d’en avoir en abondance. Pour anecdotique que puisse paraître cette tranche de vie au quartier Essos à Yaoundé, elle traduit toute la détresse d’une population qui ne sait plus trop bien à quels saints se vouer. Tant la question de la disponibilité de l’eau courante dans les ménages de la capitale camerounaise a atteint des cotes plus qu’alarmantes. Tous les moyens sont désormais bons. Le weekend dernier par exemple, les habitants du quartier Damase à Yaoundé, l’un des plus sinistrés de la capitale, ont pu avoir de l’eau potable. Le Corps national des sapeurs pompiers a procédé à la distribution de 30 000 litres d’eau. A la satisfaction générale des populations. D’autres actions de même nature sont annoncées dans d’autres quartiers de la ville de Yaoundé.

Akomnyada, ce samedi 6 février 2009. Des journalistes convoyés depuis Yaoundé débarquent à la station de traitement d’eau de la Camerounaise des Eaux, CDE. Après une bifurcation par Zamakoé, l’un des derniers villages avant d’atteindre l’agglomération de Mbalmayo, le site d’Akomnyada apparaît comme un îlot de modernité dans la forêt, après avoir roulé cinq kilomètres sur une piste carrossable. La cité d’astreinte des travailleurs de la Cde qui est surplombée par un imposant château d’eau comprend une vingtaine de villas. Le vaste domaine de dix hectares, occupé seulement aux 2/3, et qui sert aussi de site à l’usine des eaux, s’étale à perte de vue. La pelouse, d’habitude verdoyante, est particulièrement éprouvée par la sécheresse. «Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’arroser la pelouse, alors même que les gens ont besoin d’eau à Yaoundé», ironise Nkouandou Soulé, comme pour détendre l’atmosphère pesante de la visite. Le chef de la station de production d’Akomnyada est venu à la rencontre de ses visiteurs inhabituels. Il servira de guide tout au long de cette visite qui permettra de toucher du doigt la réalité de l’approvisionnement de l’eau potable à Yaoundé. Ou plutôt, de s’enquérir des difficultés de cet approvisionnement. Sans se soucier de cette présence impromptue, répondant strictement, mais poliment, à une civilité adressée à leur endroit, la trentaine de personnels en service ici à la station s’active au mieux autour des divers équipements dispersés sur l’immense domaine. Le personnel travaille en continu, de jour et de nuit, par équipes de trois quarts. Nkouandou Soulé, le maître des lieux, a eu le temps de préparer son laïus, depuis qu’il a été averti par sa hiérarchie basée à Yaoundé de cette visite inhabituelle des hommes de médias, en cette période de crise. En effet, la Cde, a été particulièrement prise à partie toute la semaine au sein des différentes rédactions de la Yaoundé, relayant le ras-le-bol des populations sevrées d’eau. Elle est rendue responsable, aux yeux d’une certaine opinion, de la pénurie d’eau.

Deux mètres d’eau
Première escale. La station de captage sur le cours du Nyong, un fleuve qui prend sa source dans la luxuriance de la forêt de l’Est-Cameroun. Du bâtiment construit sur la berge du fleuve, sort un vrombissement de moteurs. La structure abrite quatre puissantes turbines. «Les quatre pompes sont en marche, alors que  trois seulement sont habituellement nécessaires en période de crue», explique Nkouandou Soulé. Dans un vrombissement assourdissant, les pompes déploient le maximum de leur puissance, 1000 Kw/h chacune, pour aspirer l’eau du fleuve et la refouler vers les cuves d’épuration. Les pompes d’aspiration ont été installées au-dessus d’un poste de captage sur l’un des bras du fleuve. Un altimètre indique ce qui aurait dû être la hauteur de la crue. La décoloration sur l’altimètre qui culmine à dix mètres dévoile que certains niveaux n’ont jamais été atteints, ou plutôt, l’ont été dans un passé lointain. Ce jour, le niveau d’eau au niveau du point de captage est de deux mètres trente. «A la même période de l’année dernière, nous avions un niveau de plus de trois mètres. Il ya quelques jours encore, nous avions un niveau de trois mètres, mais en quelques jours seulement, le niveau est tombé à deux mètres trente. Pour retrouver notre production croisière, il faut que nous ayons en permanence une crue de cinq mètres, pour que les pompes soient complètement noyées, ce qui ne semble pas pour demain, tant qu’il ne va pas se remettre à pleuvoir», s’inquiète le chef de la station. En effet, le débit du fleuve a drastiquement baissé, sous l’effet conjugué de la sécheresse, mais aussi, du rétrécissement fulgurant de son lit. Des roseaux et autres plantes aquatiques ont envahi les abords du cours d’eau, diminuant par le fait même son débit. «Les plantes aquatiques contribuent sans doute à ce rétrécissement, et au aussi à la diminution de la quantité d’eau sur le fleuve, car les plantes sont elles-mêmes grandes consommatrices de l’eau que nous captons»,  précise Nkoaundou Soulé. C’est précisément pour parer à cette situation inhabituelle que des travaux de curage du lit du fleuve ont été entrepris par les services techniques de la Cde.

Curage du fleuve
Depuis vendredi dernier, une équipe de la Under Water Services, Uws, une entreprise de prestation de travaux aquatiques basée à Limbé, a été requise pour effectuer des travaux de routine sur le point de captage d’Akomnyada. Une opération qu’on dit rituelle à cette période de l’année. «Il s’agit d’une opération rituelle de maintenance. Les travaux sont plus complexes cette année à cause de l’augmentation des débris qui obstruent le passage de l’eau jusqu’à la station. Ces débris sont le fait de toutes les agressions que subit le fleuve en amont. Les pêcheurs coupent les herbes sur les berges pour capturer du poisson, des troncs d’arbres dérivent jusqu’ici, ainsi que d’autres ordures de toutes nature », se désole Nkouandou Soulé. Qu’à cela ne tienne, les équipes coordonnées par le chef de station ne lésinent pas sur les moyens, pour produire le maximum d’eau qu’elles peuvent malgré les difficultés. «En temps normal, nous consommons l’énergie électrique pour plus de 100 millions de francs Cfa par mois, pour faire fonctionner les turbines. Mais assez régulièrement, les coupures de courant interrompent la production, ce qui perturbe sérieusement notre activité», se désole le chef de production. «Dans ces cas récurrents, nous mettons en marche le groupe électrogène de la station», poursuit-il. La station d’Akomnyada a été dotée d’une centrale électrique de 3 500 Kva. Elle permet de faire fonctionner les quatre turbines de 650 Kva chacune. Ce qui contribue à renchérir les coûts de production de l’eau à la station. «Le courant que notre centrale produit est deux fois plus cher que celui de Aes Sonel», tient à préciser le chef de la station. Entre deux coupures d’électricité, il faut attendre une heure, voire plus, pour reprendre la production normale. La centrale était jadis automatisée. Elle est désormais mise en service manuellement. «Nous avons failli avoir un incendie dans la centrale, c’est pourquoi nous avons basculé en mode manuel pour son démarrage», précise Nkounadou Soulé.

L’impératif des investissements
Malgré tout, de l’eau continue à être produite à Akomnyada. Certes en quantité insuffisante pour les besoins sans cesse croissants de la ville de Yaoundé. Jean-Pierre Nkamani, le directeur des exploitations à la Cde annonçait dans une interview donnée jeudi dernier dans les colonnes du quotidien Cameroon Tribune, la disponibilité de plus de deux cent milliards de Cfa, indispensables à la réhabilitation de la station de  la Mefou et d’autres investissements supplémentaires pour accroître la production de l’eau. Dont la construction d’une autre station sur le fleuve Sanaga à Monatélé. Une réunion de crise s’est tenue toute la journée de samedi à la présidence de la République. Les responsables de la Cde, de la Camwater, du ministère de l’Eau et de l’Energie ont certainement élaboré des stratégies supplémentaires, et envisagé des olutions impératives pour parer à la catastrophe qui se profile à l’horizon. Même s’il est constant que lesdits financements et travaux prendront un certain temps avant que les populations n’en ressentent les effets au niveau des robinets, la solution viendrait, dans l’immédiat, à implorer le ciel pour que tombent les pluies qui viendraient augmenter la quantité d’eau sur le Nyong. Mais aussi, que des travaux de curage plus importants que ceux réalisés sur le site d’Akomnyada soient intensifiés en amont du fleuve. Un appel de détresse en direction des autorités en charge de l’environnement, qui devraient être plus regardantes aux activités humaines et naturelles qui affectent l’écosystème du fleuve.

 

mis en ligne : Suzanne MIDOUKA

 

Publié dans ECONOMIE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article